Récemment un collègue d’une équipe marketing m’a passé un coup de fil pour savoir quelles informations je pouvais lui fournir de manière à aider son agence à créer un micro-site pour un lancement produit. Sans m’étaler plus sur une certaine lassitude à ce sujet, je me suis interrogé sur le bien fondé de ces demandes, tout en jetant un coup d’œil aux recommandations.
Un site minuscule ?
Wikipedia définit un micro-site (en anglais) comme étant une page ou une collection de pages fonctionnant comme complément à un site principal. Le micro-site a généralement son propre nom de domaine ou son propre sous domaine. A cela je rajouterai que c’est outil principalement utilisé dans le cadre de lancements de produits, de campagnes ou d’événements. La nature même du micro-site en fait une option très tentante pour les équipes marketing puisqu’il permet de partir de 0, de ne pas tenir compte de l’existant (du site principal)… enfin, c’est l’idée reçue. Il permet d’être très attractif visuellement et avoir un message, positionnement, Call to Action unique. De part sa taille, il est aussi plus simple de mesurer son adoption par les prospects, à entretenir et à présenter en interne.
Le revers de la médaille est donc que ces quelques pages seront isolées, orphelines du reste du site principal. Jakob Nielsen y fait référence et l’illustre avec l’exemple d’un micro-site d’IBM :
Abandoned microsites litter the Web as the detritus of old marketing campaigns. A dedicated microsite might have been a good idea back when you launched a new product, but by the next year it’s undermining your online strategy and diluting your online presence.
Web design is design for the ages. Think about how anything you do will feel in 5 years.
It’s typically best to forego independent microsites and place new information on subsites within the main site. But you still need to integrate these subsites within the overall site structure.
For example, on both microsites and subsites, we often see product-specific pages that fail to link to information about the company or organization behind the offering. Further, many sites poorly represent their subsites in the main site search — which often ignores microsites altogether.
Subsites should definitely not aspire to become independent sites with no relation to the parent site of which they are part and which should provide them with context and richness. In my opinion, IBM’s new AlphaWorks subsite is an example of what not to do: IBM has maintained a strong site identity across all their other subsites with a logo in the upper left corner and a tilted subsite image in the upper right, but AlphaWorks hides the logo at the lower left and has an inconsistent style. It’s almost as if AlphaWorks was ashamed of its parent site.
Outre les forces et faiblesses des micro-sites, on peut distinguer de bonnes et moins bonnes raisons d’y recourir.
Les bonnes raisons de créer un micro-site
Sous réserve de faisabilité, la décision de se doter d’un micro site est de l’ordre de la communication et de la gestion de contenu : le contenu s’adresse-t’il à une audience différente ? Le contenu est-il périssable ? L’auteur du contenu est il différent ?
– Cibler une nouvelle audience : la majorité des CMS actuels permet de gérer des profils utilisateurs et de leur servir du contenu en fonction de leurs centres d’intérêts, des sites qu’ils ont déjà visités ou toutes autres informations que l’on pourra récupérer pour segmenter de manière dynamique*. Tout cela est plutôt malin, mais quand on prospecte de nouvelles niches, on est souvent mal équipé pour attirer ces visiteurs. La création de contenu niche, de landing pages, de « honey pot » fait partie du quotidien des équipes de merchandising. Dans ce cadre bien spécifique, un micro-site est une option assez solide. Il constituera un point d’entrée organisé dans le seul but d’attirer un nouveau trafic. Attention aux techniques peu vertueuses de « black-hat SEO » qui ne vous emmèneront jamais bien loin à moyen terme.
* Loin de moi l’idée de penser que l’absence de cette fonctionnalité dans votre CMS légitime l’usage d’un micro-site. Nous y reviendrons d’ici quelques lignes.
Exemple : le blog Coca-cola Conversations
– Message périssable ou immersif : je ne suis pas entièrement convaincu par ce point mais il est vrai que dans un souci de facilité et d’accessibilité, il peut être recommandé de créer un micro-site événementiel. Dans le cadre d’un salon, pour le lancement d’un film, pour une vente-privée… C’est à la fois du contenu ultra-segmenté auquel on accède par des canaux bien identifiés et des éléments ou la correspondance online / offline est essentielle pour l’expérience utilisateur. Une telle immersion ne serait pas possible sur le site principal pour la simple raison qu’elle mettrai en péril la cohésion des rubriques déjà existantes. L’exemple classique d’après moi serait les campagnes marketing ayant une composante virale et ultra « social ».
Exemples : les nombreux sites de Samsung ou de Fujifilm (où les utilisateurs peuvent uploader des photos prises avec les produits des marques en question), lancement de la série « Back to you » (où les visiteurs peuvent uploader leur photos dans un montage dynamique pour avoir une dédicace personnalisée)
– Contrainte légale ou engagement politique : pour éviter le mélange des genres, se protéger légalement ou pour vulgariser un message politique.
– Contenu Co-funding / co-branded : chacun visant à garder son intégrité, il est de bon ton de créer des espaces isolés ou plusieurs marques vont collaborer pour subventionner du contenu ou un produit tierce. Les exemples foisonnent, notamment dans la grande distribution, dans l’industrie pharmaceutique, informatique et des jeux vidéo.
– Search Engine Optimization (SEO) : il existe encore quelques noms de domaines disponibles et dans, certains cas rares, ils peuvent coïncider avec le nom de votre produit. Dans ce cas précis, c’est probablement une bonne idée de vous doter de ce nom de domaine et de développer du contenu pertinent. Rien ne vous empêche pour autant d’utiliser ce nom de domaine comme point d’entrée dans votre site en utilisant les techniques de redirection (plus précisément de white hat cloaking).
Exemple : www.audi-quattro-highlights.com
Les mauvaises moins bonnes raisons de créer un micro-site
– Au risque de décevoir mes collègues du marketing, créer un micro-site n’est pas une fin en soit, il faut le traiter comme un site à part entière, qui a sa légitimité. Ainsi, un lancement produit, une nouvelle idée lumineuse ne justifient pas que l’on se mette à créer des micro-sites à la douzaine.
– Court-circuiter les procédures de gouvernance interne : Notamment dans les grandes structures, il est plus simple au marketing de demander à une agence d’executer un brief plutôt que de se lancer dans la quête du bon interlocuteur. On fait appel à telle ou telle agence dont on a entendu parler, on s’en occupe directement donc on a l’impression d’avancer plus vite et puis au pire l’agence devra bien apprendre à être autonome.
– Contraintes de budget online / offline : Depuis ces quelques dernières années de crise, la partie « print » perd de la vitesse et du budget au profit des outils online. Les équipes en charge de ces livrables se retrouvent donc à faire un métier assez diffèrent du leur et tout en apportant une réelle valeur ajoutée et une rigueur qui fait souvent défaut aux métiers du web, on fait face au paradoxe type : le monde offline cumule des documents différents qui ont des durées de vies de quelques semaines au mieux; le monde online organise, agrège, stocke et structure de l’information qui ne disparaitra jamais complètement. Dans de nombreux cas, l’excellent contenu produit dans ce genre de projet serai une source d’information de valeur sur le site principal.
– Contraintes de ressources internes : Lors des périodes de forte activité pour la partie online, il peut arriver que la recommandation soit de passer avec une agence. Ce que ca veut dire en vrai, c’est que non seulement la création ne sera pas assurée par l’équipe en charge du site principal, mais en plus, le site ne sera pas maintenu, supporté ni réintégré au site principal par cette équipe. Aussi bonne l’agence soit elle, il est toujours difficile de livrer un projet de qualité sans le support de l’équipe en charge du média. L’expression de besoin du demandeur est une chose mais le cadre des possibles et surtout les pistes d’évolution futures sont des éléments clefs qui feront qu’un micro-site sera orphelin et dépassé en 1 semaine ou en 6 mois.
– Contraintes technologiques, de sécurité ou légale : Aller ailleurs parce qu’on ne peut pas avoir ce que l’on cherche en interne est souvent une approche saine et constructive. Plus le demandeur est au fait de ce qu’il recherche, plus son expression de besoin sera précise. Pour autant, le demandeur ne doit pas se substituer à l’équipe online, IT ou légale qui sont les seuls vrais experts dans leur domaines. Si l’on ne reçoit pas de feu vert pour faire un jeu concours avec dotation pour les vainqueurs, le faire en externe ne règlera pas le problème, juste les tensions internes. De plus, autant la contribution et le résultat final sont du ressort de l’expression de besoin, autant c’est à l’équipe online et / ou IT de définir les moyens, les outils, les applications pour y parvenir. Il ne s’agit pas que d’une question de compétences, il s’agit de s’inscrire dans une dynamique d’évolution, de performance, de support… trop de facettes pour une une personne dont ce n’ai pas le travail à temps plein.
Au bout du compte
On peut potentiellement faire n’importe quoi avec un micro-site et dans de nombreux cas c’est une excellente chose qui contribue à l’expansion de la marque et non a la dissolution de sa présence en ligne. Pour autant, il est assez difficile de s’assurer de qui fait quoi et les grandes entreprises savent aujourd’hui qu’elles ne savent pas combien de sites elles possèdent.
A moins d’une forte gouvernance et de la mesure de la qualité des campagnes, on aura toujours de grandes chances de voir des sites sans lendemain, avec du contenu périmé et des opportunités manquées pour les petites et grandes marques. Comme le note Brian Morrissey, il y a peu de chances que les agences cessent de recommander la création de micro-sites !
Clients want more of an emphasis on igniting conversation and less on the rich, textured sites that have typically accompanied their campaigns. The goal, as EVB CEO Daniel Stein put it, is to “stop building $1 million microsites that attract [only] 10,000 visitors.”
Advising a client to skip a $200,000 microsite in favour of a free Facebook page or social network built on Ning for $25 per month might be the right move, but it begs the question of whether the agency can make money.
Grégory Raby